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Xian Le avait rendez-vous d'ici une vingtaine de minutes dans le gymnase d'un lycée. En quel honneur ? Réunion professeurs-élèves ; étonnant non ? La sino-coréenne travaillait dans une entreprise comme stagiaire et dans une bijouterie comme vendeuse. Alors pourquoi devait-elle se rendre là-bas si elle n'était pas élève d'un quelconque établissement ? Et bien simplement car elle corrigeait des lycéens sur un site pour apprendre l'anglais lorsqu'elle en avait le temps. Ayant une excellente maîtrise de la langue, elle voulait aider ceux qui avaient du mal avec ou ceux qui désiraient simplement être meilleurs. Et ce, non pas pour être fière d'elle en étalant sa perfection au monde. Non. Juste par générosité et par envie. Si des adolescents s'inscrivaient sur le net pour s'améliorer, alors il était clair que mademoiselle Kim deviendrait leur professeur avec plaisir : n'est-ce pas une belle preuve de motivation que de rechercher de l'aide pour se surpasser ? Et c'était avec le sourire que, chaque soir, la brune se connectait pour passer une bonne heure à corriger des exercices et écouter des enregistrements audios faits par ses élèves. Beaucoup d'entre eux s'amélioraient et c'était en grande partie pour cela que les administrateurs du site avaient décidé d'une rencontre. Xian Le se prépara, faisant attention à chaque détail comme d'habitude. Ponctuelle, elle arriva au point de rendez-vous quinze minutes plus tard, pénétrant dans le gymnase décoré pour l'occasion. L'orange et le jaune donnaient un côté dynamique et lumineux à la pièce, ce qui offrait une ambiance chaleureuse qui permettait à notre chinoise de se sentir plus ou moins à l'aise. Alors qu'elle avançait vers un groupe de professeurs, elle remarqua la présence d'une personne qu'elle admirait. Hésitante, elle vint tout de même à sa hauteur : "Vous êtes le professeur Kim Jun Hyeong, n'est-ce pas ? Enchantée, je suis Kim Xian Le", lança t-elle tout en lui tendant la main, un sourire amical aux lèvres. Elle avait beaucoup parlé avec cet enseignant à propos des détails de la langue anglaise. C'était une tête et la demoiselle raffolait de leurs discussions. Elles étaient plutôt rares, bien que longues, mais elle se souvenait de chacune d'entre elles. Ils abordaient les différences entre chaque région, chaque pays, les traditions, les expressions... que des sujets plus intéressants les uns que les autres. C'était la première fois que la jeune fille rencontrait un être aussi passionné et aussi intelligent. Si elle se souvenait bien, il avait vécu quelques temps en Australie. C'était sans doute pour cela qu'il parlait aussi bien. Mais elle sentait aussi une forte envie chez lui que d'apprendre cette langue aux plus jeunes : par amour, sûrement. Et c'était ces deux choses, le professionnalisme et la passion, qui faisaient d'elle une de ses admiratrices. Et la voilà qui se tenait face à lui, les lèvres pincées et le regard fuyant. Voyons, n'était-elle pas professeur elle aussi ? Oui, mais il était sur un piédestal, c'était trop tard. Loin d'être habituée aux relations humaines en dehors du cercle familial, encore moins avec les hommes, il était difficile pour elle que de se comporter comme quelqu'un de normal. D'indifférent.

Elle avait de l'admiration pour lui et plus elle tentait de la cacher plus elle était visible : "Professeur Kim ? Je voulais vous remercier pour la rapidité de vos e-mails. Grâce à vous j'ai réussi mon évaluation" ; la jeune femme se retourna, sauvée de la honte qu'elle éprouvait alors qu'un blanc s'était installé. Une élève venait de s'adresser à elle et cela ne put qu'agrandir le sourire de la chinoise : une lycéenne qui la remercie, comment ne pas sentir une certaine fierté ? Xian Le répondit alors : "Oh, Hwang Jo. Je vous en prie, ne me remerciez pas. C'est vous qui avez très bien travaillé. Félicitations" ; l'élève s'abaissa respectueusement avant de les laisser tranquilles, consciente qu'elle avait interrompu leur conversation. Au bout de quelques secondes, la brune reprit la parole tout en lançant un regard admirateur à son interlocuteur : "Je voulais que vous sachiez que j'ai trouvé vos remarques très pertinentes dans votre dernière réponse sur le site" ; bien vite, elle s'en rendit compte et détourna le regard, faisant mine d'être intéressée par la conversation sur thanksgiving d'un des étudiants un peu plus loin. Elle ne se rendait pas totalement compte de son ridicule mais elle savait pertinemment qu'elle ne devait pas le regarder de la sorte : une femme digne de ce nom ne devait pas être impressionnée si facilement par un homme. Du moins, elle ne devait pas le montrer. C'était une des règles d'or de sa grand-mère. Quelques-uns d'entre eux, fourbes, profitaient des filles sensibles à leur charme ou à leur intelligence. Et, bien que Xian Le était certaine que Jun n'était pas ce genre d'individus, elle préférait s'en tenir aux principes de son ancêtre. Que ce soit parce qu'il s'agissait des bases de son éducation ou simplement parce qu'elle s'était sentie mal à l'aise. Inspirant, un faible sourire ne quittant jamais ses lèvres rosées, elle reprit, les yeux encore rivés sur l'élève "Vous avez vécu en Australie, n'est-ce pas ? Je n'y ai jamais été, ça doit vraiment être très beau" ; détaillant le visage de sa cible des deux dernières minutes, la tête légèrement penchée sur le côté, elle songea au paysage que ce pays devait offrir : le désert, la brousse... quelque chose de sauvage et de sublime. D'incomparable. Jun avait dû se régaler durant son enfance. Xian, elle, n'avait pas vu énormément de choses aux USA. C'est certain qu'en étant privée de sortie c'est toujours difficile de jouer la touriste et de visiter un endroit autre que sa propre maison. Mais l'heure n'était pas aux plaintes. Elle voulait en savoir plus sur l'Australie. Et sur le professeur qui lui faisait face : qui était-il réellement ? Qu'est-ce qui le motivait autant à transmettre son savoir ? La jeune Kim avait tellement de questions à lui poser. Mais la bible des femmes bien éduquées voulait qu'elle soit patiente et qu'elle ne l'harcèle pas. Décrochant enfin ses yeux du lycéen, elle balaya la salle du regard : il y avait quand même énormément de personnes, à croire que ce site n'existant que depuis deux trois ans grand maximum était déjà connu de beaucoup. Les enseignants étaient reconnaissables grâces aux badges ; vu d'ici, ils n'étaient pas plus de dix. Ce qui était déjà bien pour une centaine d'élèves.